Extrait du guerrier mort


Lucile Richarte, jeune auteur montpelliéraine, déjà publiée dans "éclats de rêves", accorde une grande importance à l'univers fantastique, un univers à la fois proche et lointain, qu'elle aime à décrire et partager au travers de ses écrits.

Le vent s'était tu et les ruines de la ville, dans leur pâleur métallique, avaient cessé leurs gémissements sourds. La neige avait tout enseveli. De ce linceul blafard surgissaient seulement des rocs aigus et des murs brisés qui ressemblant aux mâchoires squelettiques de quelque monstre trépassé et pourrissant sous les vestiges de l'ancien monde.
Le bruit de pas du lourd cheval de bât était le seul recours au silence. Ce son familier, dans l'immensité du vide, apaisa un instant Velçan. Mais le mutisme oppressant du paysage, brisé seulement par ce bruit de sabot rythmique, tel le tic-tac accablant des horloges de l'autre monde, finit par alourdir l'air et serra la gorge du guerrier. Déjà presque étouffé par la pesanteur de l'atmosphère, il saisit les rennes de sa monture et donna un grand coup sec. Le cheval partit au galop vers la montagne, échappant à la terre morte, et son cavalier poussa un soupir de soulagement.
Comme enserrée dans la poigne pétrifiée des roches, un monastère de pierres et de bois se dressait au sommet du pic glacé. Ce prieuré, bercé des religions anciennes à un Dieu unique, des croyances païennes plus vieilles encore, qu'on avait un instant nommés mythes et légendes, et des superstitions nouvelles, appelait Velçan de sa divine clairvoyance . Il devait parler au moine qui habitait là, sa vengeance en dépendait, sa vie entière l'avait mené jusque là.
L'homme mit pied à terre, passa les brides de son cheval dans une hanse de fer qui pendait au mur de l'édifice sacré et fit un nœud sec et fort, s'écaillant les mains sur la corde rugueuse sans même une grimace.
- Ca n'est pas là un destrier digne d'un guerrier comme toi !
Texte par Lucile Richarte


Illustration par Sébastien Gollut