Extrait de l'interview de Stan Nicholls

Vos orcs semblent plus humains et civilisés que les humains. Est-ce parce que vous voyez la civilisation devenir de moins en moins humaine?
D'une certaine façon, notre culture actuelle rappelle celle des barbares, quelle que soit la manière dont nous nous habillons du vernis de la civilisation. C'est difficile de croire que les hommes sont des créatures civilisées lorsque la nation la plus puissante de la planète, aidée par mon pays, à notre grande honte, peut illégalement bombarder et envahir un pays souverain, en tuant des milliers de gens, à la recherche de pétrole d'influences politiques. Il est de même difficile de penser que nous sommes civilisés lorsque des terroristes ont recours à des actes lâches et inqualifiables qui ôtent la vie à d'innocentes personnes. La civilisation semble être un concept superficiel quand la globalisation transforme à toutes vitesse la population mondiale en moutons dociles, tout juste bons à consommer, à accepter passivement les mensonges que les politiciens et les media leur racontent, tout en devenant de la chair à canon dans des guerres inutiles. Nous ne paraissons pas civilisés lorsque des gens peuvent être persécutés ou assassinés en raison de la couleur de leur peau ou de la nature de leurs croyances.
D'un autre côté, nous pouvons louer tous les bénéfices apportés par notre civilisation. Je suis reconnaissant aux sciences médicales d'avoir allégé les souffrances, enrayé des maladies et amélioré l'hygiène publique. Je suis heureux que des technologies comme internet offrent à des gens ordinaires la chance d'accéder à des idées différentes sur le monde. Cela m'encourage de voir que certaines personnes dans nos démocraties libérales font des efforts pour améliorer la situation des moins fortunés, des laissés-pour-compte et des méprisés...


Vos romans traitent de liberté et d'émancipation. En dépit de leur force, les orcs ont peur de briser leurs chaînes. Pensez-vous que les gens préfèrent ce qui est conventionnel et confortable à une liberté qui pourrait s'avérer dangereuse ?
Beaucoup de personnes craignent le changement. L'une des manières par laquelle il l'exprime en ce moment est une sorte de technophobie. C'est compréhensible dans un monde où nous sommes submergés par un inépuisable torrent d'innovations technologiques. J'ai des amis intelligents qui ne se servent ni d'internet ni d'un téléphone portable parce qu'ils pensent que ces innovations sont déroutantes et légèrement menaçantes. Je pense que la meilleure manière de conduire le changement est d'y prendre ce dont vous avez besoin et d'ignorer le reste. Il y a, en ce moment en Angleterre, un débat à propos de la surprotection des enfants. Parce que le monde est perçu comme étant un endroit dangereux - une peur alimentée tous les jours par les media - on emmène et on va rechercher les enfants à l'école en voiture, sans leur permettre de les laisser seuls et passent généralement beaucoup trop de temps comme coupés de la vie de tous les jours. Ce ne peut pas être bon pour eux. Lorsqu'ils atteignent un âge où ils doivent par eux-mêmes faire face au monde ils sont bien incapables de se débrouiller seuls. Il semble que nous sommes en train de créer une société qui est très hostile à tout risque quel qu'il soit...

Questions de Mats Lüdun et Denis Labbé