Le Cycle chez Tolkien

Eh bien, nous voici réduits aux quatre qui étions partis ensemble.
Le Retour du roi, J.R.R. Tolkien.

L'univers de Tolkien est un univers compliqué ; riche, truffé d'histoires, de légendes, foisonnant de références. Tolkien s'est employé à bâtir un monde réaliste et, pour ce, à accumuler les preuves de son existence : cartes, généalogies, calendriers, langues savamment construites…
Néanmoins, parmi les siècles, les Âges, certains schémas se dégagent, certaines scènes se répètent, formant un cycle. Comme les fils d'un canevas céleste, les personnages en sont prisonniers, contraints à jamais à faire et refaire le chemin de leurs aïeux, et aussi leurs erreurs. Mais ce cycle, qui semble si puissant, est-il inexorable et maléfique ?
Les nombreux parallélismes de l'œuvre prouveraient que oui ; le cycle, fort, use d'instruments, toujours les mêmes, pour nourrir sa puissance.
Le premier parallèle auquel nous sommes confrontés dans l'univers de Tolkien est celui de la généalogie. Les personnages se présentent, donc se réfèrent, toujours par rapport à leurs parents, donc leur passé.
- C'est Aragorn fils d'Arathorn, dit Elrond, et il descend par maints ancêtres d'Isildur, le fils d'Elendil de Minas Ithil. Il est le chef des Dunedains dans le Nord, et peu nombreux sont les descendants de cette lignée.
Mais si les personnages se décrivent par rapport à leur passé, le destin semble prendre un malin plaisir à leur faire répéter les gestes de leurs aïeuls. Aragorn est un descendant d'Isildur ; tout comme lui, il s'emploiera à détruire le mal incarné par Sauron, et même si leur rôle est différent, il reste très important. Frodo, Gimli, et Legolas, continuent eux aussi, en quelque sorte, l'aventure commencée par les aïeux dans Le Hobbit.
Aragorn, toujours, vit un impossible amour, à cause de leur race, avec Arwen, ce qui n'est pas sans rappeler l'histoire entre Beren et Luthien. Arwen et Aragorn sont tous deux descendants de Beren et Luthien. Tout comme Beren, Aragorn épousera sa bien-aimée après mille dangers et malgré les réserves de son père.
Mais s'il existe des parallèles entre les personnages, on peut remarquer aussi des parallèles d'actions. Ainsi, Beren perdra une main après avoir dérober un Silmaril, et ce même Silmaril dans son combat et dans la gueule du loup d'Angband, Carcharoth.
Carcharoth regarda la pierre bénie, il n'en fut pas effrayé et l'esprit qui le possédait s'éveilla comme un brasier. De sa gueule il saisit la main de Beren et la trancha d'un coup.
Frodo perdra un doigt, sectionné par les dents de Gollum, en même temps que l'Anneau dans les Crevasses du destin.
Soudain, Sam vit les longues mains de Gollum se porter à sa bouche ; ses crocs blancs luisirent, puis se refermèrent brutalement pour mordre.
Texte par Mats Lüdun



Illustration par Michel Borderie